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Fiche n°4 : La prime de taille Fairness Finance, définition et domaine Fiche n°4 : La prime de taille Fairness Finance, définition et domaine

La prime de taille s'ajoute à la prime de risque prévue par le CAPM/MEDAF pour refléter le surcroît de rendement exigé par les investisseurs pour les sociétés de taille inférieure à la moyenne pondérée du marché. Nous la calculons en régressant les rendements moyens exigés pour chacun des déciles composant le marché en classant les sociétés en fonction de leur capitalisation boursière.
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Mise en lumière de l'effet taille

La relation linéaire définie par le CAPM/MEDAF[1] entre le coût du capital et le bêta de l'action est prise en défaut de longue date à l'examen des rendements historiques des actions, lequel révèle une sur-rentabilité des titres des sociétés de taille inférieure à la moyenne de l'indice qui n'est pas expliquée par leurs bêtas. Le calcul par nos soins du coût du capital implicite et de la prime de risque ex-ante confirme ce résultat en retenant cette fois les anticipations de marché et non les variations de cours passées.
 
Comme indiqué dans la fiche technique n°3, l'écart entre la prime de risque au sens du MEDAF, ΠR, et la prime de marché implicite, ΠE, résulte de primes additionnelles correctrices de biais de prévision : prime de risque de défaut, Πd, et prime d'excès d'optimisme, ΠO. Comme ces biais de prévision sont plus marqués pour les « small caps », la somme de Πd et de ΠO pour ces sociétés est plus importante et l'écart avec les « large caps » peut s'agréger en une prime de taille, ΠL. Il est probable que seule une part limitée de cet écart soit imputable à un strict effet de liquidité reflétant i) des coûts de transaction partiellement fixes pesant sur le rendement d'investissements de taille réduite et ii) le manque de profondeur du marché des small caps, la capacité d'absorption de leurs carnets d'ordres étant réduite.
 
La prime de risque du marché (ou de l'indice qui s'y substitue) est une moyenne pondérée par la capitalisation des sociétés qui le composent. En pratique, plus de 80 % des sociétés européennes et nord-américaines ont des capitalisations inférieures à la moyenne des indices régionaux établis par nous. Dans ces conditions, la question de l'ajout d'une prime de taille concerne potentiellement la majorité des sociétés.

Calcul de la prime de taille 

Nous calculons la prime de taille à partir du coût implicite du capital de chacune des sociétés de l'échantillon en les regroupant en 11 quantiles classés en fonction de leur capitalisation boursière afin de constituer des portefeuilles suffisamment diversifiés[2] :
  • les rendements individuels des sociétés sont établis hors effet de l'endettement, ce qui revient à calculer un coût des fonds propres à dette nulle pour chaque société, ou kU ;
  • à chaque quantile, correspond i) un coût du capital à dette nulle égal à la moyenne arithmétique des sociétés qui le composent, et ii) un bêta du portefeuille constitué par ce quantile[3]. Ces données permettent de dépolluer l'effet taille du risque systématique[4], en plus de l'effet du levier. C'est ce que nous appellerons la « neutralisation du risque systématique » ou « le retraitement du bêta du quantile » ;
  • les primes de taille des quantiles sont enfin régressées par rapport à leur capitalisation moyenne afin de « lisser » les résultats, cf. infra.

La prime de taille - Europe à fin 2016

Au 31 décembre 2016, les capitalisations moyennes des 11 quantiles sont comprises entre 36 M€ (1er portefeuille) et 51 Mds€ (11e portefeuille). Comme le suggère le graphique n° 1 ci-après, avant neutralisation du risque systématique, les rendements exigés à dette nulle des 11 portefeuilles suivent une fonction décroissante de la taille (capitalisation boursière) de type logarithmique ou de type fonction inverse. Comparé au rendement moyen pondéré de notre échantillon-Europe, les 7 premiers quantiles ont un kU significativement supérieur à l'indice (i.e. à la moyenne pondérée de l'ensemble de notre échantillon-Europe). Ces 7 premiers quantiles regroupent 63,6 % des sociétés classées par taille croissante jusqu'à une capitalisation de 2,7 Mds€.
 
 
Comme indiqué dans le graphique n° 2, après neutralisation du risque systématique[5], les 9 premiers quantiles ont des rendements supérieurs à celui de l'indice. Ces derniers représentent 92 % des sociétés, avec une capitalisation inférieure à 7,9 Mds€.
 
 
L'effet taille disparaissant au niveau du 10e quantile, une régression destinée à en lisser l'effet sera calculée à partir des 10 premiers portefeuilles. La régression du rendement par rapport au double logarithme de la taille (équation ci-après), telle que figurée dans le graphique n° 2, présente un coefficient de détermination r² de 95 %.
 
Sur la base de cette régression, la prime de taille d'une société quelconque de moins de 7,9 Mds € de capitalisation se calcule selon la fonction suivante :
 
C désigne la capitalisation boursière de la société évaluée.
 
Les paramètres de la régression et leurs qualités sont résumés dans le tableau ci-dessous :
 
 
Les moyennes non lissées sur 18 mois (limite supérieure de l'aire en rouge) et les indicateurs de dispersion des primes de taille des quantiles sont représentés dans le graphique n° 3 ci-après, lequel confirme la persistance d'une prime de taille jusqu'au 7e quantile[6] , soit jusqu'à 2,7 Mds€[7] de capitalisation. Des variations d'un mois sur l'autre peuvent conduire à la disparition de la prime à partir du 7e quantile et son apparition jusqu'au 9e.
 
 

 

 

La prime de taille - Amérique du Nord à fin 2016

Au 31 décembre 2016, les capitalisations moyennes des 11 quantiles sont comprises entre 160 MUSD (1er portefeuille) et 91 MdsUSD (11e portefeuille). Comme le suggère le graphique n° 4 ci-après, avant neutralisation du risque systématique, les rendements anticipés à dette nulle des 11 portefeuilles suivent, comme en Europe, une fonction décroissante de la capitalisation boursière. Les 8 premiers quantiles (72% des sociétés) ont ainsi un rendement exigé supérieur à celui de l'indice.
 
 
Les 9 premiers quantiles ont des bêtas supérieurs à celui de l'indice (graphique n° 8), contrairement à l'Europe. Une partie du sur-rendement exigé des small caps est donc imputable à leur risque systématique[8]. Redressés de cet effet de risque systématique, à fin 2016, seuls les 3 premiers quantiles conservent un rendement exigé significativement supérieur à l'indice. Ces trois portefeuilles regroupent les sociétés ayant une capitalisation inférieure à 1 MdUSD, ce qui représente 27 % des sociétés de notre indice.
 
En effectuant un second découpage plus fin sur la base de portefeuilles de 120 sociétés chacun, l'existence d'une prime de taille demeure avérée pour les sociétés de moins de 1 MdUSD. La régression du rendement par rapport à l'inverse du logarithme de la taille (équation ci-après), telle que figurée dans le graphique n° 5, présente un coefficient de détermination r² de 98 %.
 
 
La prime de taille pour une société quelconque de moins de 1 MdUSD se calcule ainsi selon la fonction suivante :
 
C désigne la capitalisation boursière de la société évaluée.
 
Les données de la régression sont résumées dans le tableau ci-dessous :
 
 
Les moyennes (avant lissage) sur 18 mois et les indicateurs de dispersion des primes de taille des 10 premiers quantiles sur 11 sont représentés dans le graphique ci-après, lequel permet d'identifier l'existence d'une prime de taille entre le 1er et le 4e portefeuille[9] (soit pour des capitalisations inférieures à 1 MdUSD), avec toutefois des variations d'un mois sur l'autre pouvant conduire à la disparition de la prime à partir du 4e quantile et son apparition jusqu'au 9e.
 

Conclusion

En Europe :

La prime de taille en Europe est décroissante de façon monotone jusqu'au 8e quantile avant lissage au moyen d'une régression. Cette relation établie sur la base des rendements exigés à dette nulle, est avérée, que ces derniers soient ou non retraités du bêta du quantile.
 
La neutralisation du risque systématique accentue l'effet taille et l'étend à 9 quantiles sur 11, soit pour les sociétés jusqu'à 7,9 Mds€ de capitalisation. Ceci résulte de ce que les bêtas mensuels (avec levier) des 11 portefeuilles sont eux-mêmes croissants et compris entre 0,7 (very small caps) et 1 (very large caps)[10].
 
En Amérique du Nord :
 
Pour les sociétés nord-américaines l'effet taille est également patent avant la neutralisation du risque systématique. Toutefois, les bêtas des 10 premiers quantiles étant supérieurs à 1, leur retraitement diminue l'effet taille, i.e. la part du sur-rendement non expliquée par le risque systématique.
 
 
Après retraitement des bêtas des quantiles, si l'on redécoupe les sociétés de notre échantillon en portefeuilles de 100 titres chacun, le phénomène de prime de taille tend à disparaître au niveau du 4e quantile, soit au dessus de 1 MdUSD de capitalisation.
 
Différences transatlantiques :
 
L'effet de la taille sur le coût du capital implicite des sociétés semble donc être un phénomène plus étendu et régulier en Europe qu'en Amérique du Nord :
  • en moyenne sur 18 mois, les primes de taille concernent essentiellement les sociétés de moins de 1 MdUSD en Amérique du Nord, alors qu'en Europe elles touchent de façon régulière les sociétés jusqu'à 2,7 Mds € ;
  • en Europe, d'un mois sur l'autre, le domaine d'application de la prime de taille varie entre 2,7 Mds€ de capitalisation et 7,9 Mds€. En Amérique du Nord, ce dernier varie entre 1 MdUSD et 7 MdsUSD.
 
 

[1] Capital Asset Pricing Model ou MEDAF pour « modèle d'équilibre des actifs financiers », cf. fiche n° 2.
[2] Echantillons de 1 516 valeurs en Europe et de 1 841 en Amérique du Nord, chacun divisé en 11 quantiles.
[3] Pour chaque quantile il est reconstitué un indice agrégé dont les variations de cours sont régressées par rapport à l'indice général de marché.
[4] Le passage par la méthode « APV » permet ce retraitement. Pour plus de détail, cf. la fiche technique n° 5.
[5] En Europe, les 9 premiers quantiles ont des bêtas inférieurs à l'indice (graphique n° 7). Or effet du bêta (avec un bêta neutre par rapport à l'indice de marché, i.e. égal à 1) leur coût du capital serait donc supérieur ; ainsi la neutralisation de l'effet du risque systématique amplifie les primes de taille en Europe.
[6] La moyenne des primes de taille sur 18 mois (non lissées) du 8e quantile tendant vers zéro.
[7] La présence d'une prime de taille entre 1,2 Md€ de capitalisation (7e quantile) et 7,9 Mds€ (9e quantile) est donc intermittente d'un mois sur l'autre, selon l'aversion au risque des investisseurs et leurs arbitrages entre small caps et large caps.
[8] Pour autant que le bêta tel que nous le calculons (cf. fiche n° 6, à paraître) soit une estimation satisfaisante du bêta anticipé, et en supposant que le risque systématique au sens du MEDAF soit un modèle acceptable.
[9] La moyenne des primes de taille sur 18 mois (non lissées) du 5e quantile tendant vers zéro.
[10] Pour plus de détails sur le calcul des bêtas, le lecteur se reportera à la fiche technique n° 6 (à paraître).
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